La Mastication

La digestion, c’est comme le travail à la chaîne : si la première étape est loupée, ça marche beaucoup moins bien après.

On oublie souvent que la digestion commence bien avant que les aliments n’arrivent dans notre tube digestif. Je ne développerai pas ici (pas maintenant en tous les cas) l’importance, que dis-je la nécessité, des préliminaires mais m’attarderai sur celle de la mastication.

Cette étape est bien trop souvent bâclée voire réduite à néant faisant de nous des avaleurs à défaut d’être des mangeurs (c’est classe mais ce n’est pas de moi, c’est de Jean-Pierre Poulain, sociologue de l’alimentation).
Commençons le voyage avec un petit récapitulatif anatomo-physiologique du rôle de nos entrailles ou comment mieux se connaître de l’intérieur. La fameuse beauté intérieure…

La bouche tout d’abord dans laquelle se fait la mastication pour réduire les aliments ingérés en bouillie (je sais, ce n’est pas très élégant mais vous allez découvrir que la beauté intérieure c’est une légende !). Ensuite vient l’œsophage, un tube pour faire simple (même si c’est un peu plus complexe, vous vous en doutez) qui permet la transition des aliments broyés vers la prochaine salle de travail : l’estomac. Ce dernier n’a pas de dents contrairement à ce que sembleraient croire les avaleurs et sa principale fonction est de sécréter les sucs gastriques, de les mélanger au bol alimentaire (terme technique désignant la bouillie dont je vous parlais précédemment). A la suite de ça vient l’intestin grêle (duodénum + jéjunum + iléon, et qui mesure des mètres) dont le job principal est de permettre l’assimilation des nutriments (les petits trucs qui constituent les aliments et qui sont bons pour dans ton corps) en les faisant passer de la lumière intestinale (= l’intérieur du tube digestif) dans la circulation sanguine. Une fois la distribution faite restent les déchets que le colon véhicule jusqu’au rectum puis la porte de sortie définitive qu’est l’anus (déchet, sort de ce corps !).

Vous êtes encore là ? Je sens que j’en ai perdu quelques uns…

Revenons à notre sujet du jour : la mastication. Tout se passe donc dans la bouche, cet espace restreint équipé de :
32 dents, parfois moins par accident, rarement plus car point trop n’en faut et ça ne servirait à rien voire ça deviendrait franchement gênant
2 mâchoires rendues puissantes par des gros muscles permettant à la mâchoire du bas de monter-descendre-monter-descendre-monter-descendre mais également d’avoir des mouvements latéraux (point commun avec nos amis bovins en plus de celui de regarder passer les trains avec un regard hagard). Leurs mouvements permet d’écraser, déchirer, broyer, couper… bref mastiquer les aliments. Sachez que les masséters, des muscles masticateurs, sont les muscles les plus puissants de l’organisme.
de la salive dont le rôle n’est pas négligeable puisqu’en plus d’humidifier les aliments en passation de ne plus ressembler à rien si ce n’est une bouillie informe, elle permet le début de leur dégradation biochimique grâce entre autres à plein de petites enzymes trop fortes.
une langue qui ne vous sert pas qu’à parler.

And so what ?
Le plus simple est de vous expliquer ce qui se passe quand vous ne mastiquez pas…
Les aliments n’étant pas bien réduits en bouillie, ils vont devoir rester plus longtemps dans l’estomac car celui-ci n’a toujours pas de dents et le travail des sucs digestifs sur des gros morceaux non mâchés sera plus long que sur des tout petits petits petits morceaux bien mastiqués, c’est une histoire de surface de contact. Comme en plus la salive est restée dans la bouche sans avoir eu le temps de se mélanger tendrement aux aliments vu qu’ils sont passés dans la dite bouche à la vitesse de Bip-Bip le coyote, les petites enzymes n’ont pas commencé leur boulot et il va falloir encore plus de sucs gastriques pour le faire, le boulot, et même des heures supplémentaires.
Qui dit sucs gastriques dit acidité. Qui dit plus de sucs gastriques dit ouille ouille ouille… C’est parti pour les réjouissants effets secondaires potentiels : reflux gastro-œsophagiens (plus gentiment appelés remontées acides dans la vie commune), brûlures intestinales, ulcère, ça vous parle ? Et ce n’est pas fini : fermentation, ballonnements, gonflements, douleurs à l’estomac, lourdeurs intestinales. Là, j’en vois qui deviennent verts… On continue dans les intestins avec la principale conséquence : une mauvaise assimilation des nutriments, ce qui fait que les aliments ingérés ne seront pas bénéfiques à l’organisme, c’est ballot quand même après tout ce temps que vous aviez pris pour préparer ce bon petit plat.
Un joli proverbe japonnais (ou sioux, ou berrichon selon les sources) nous dit : « ce qui te nourrit ce n’est pas ce que tu manges mais ce que tu assimiles ».

Bon, après nous vivons dans un pays démocratique, et vous avez toujours la liberté de ne pas mastiquer…

Et pour le plaisir, l’épisode de « Il était une fois la vie » sur la digestion, en espagnol, comme ça si à la fin vous n’avez toujours rien compris à la digestion, vous aurez au moins une excuse valable !

 

6 Replies to “La Mastication”

  1. Un très bonb article didactique, et agréable à lire, ce qui ne gâche rien …
    A faire passer à beaucoup de personnes qui n’ont pas le temps …

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  2. c’est top cette réhabilitation des pratiques délaissées !
    ça complète bien la tendance « rivival » des légumes oubliés (panais et topinambour).
    Alors si j’ai bien compris plus c’est long et plus bon, (la mastication) !
    mais un doute m’envahit soudain: quand on mâche trop longtemps du Malabar, comment il fait pour donner des gaz sans fermentation?

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  3. Encore un article écrit en solo mais avec brio, pédagogue bien que non-dénué d’humour.
    Et comme pour un épisode de Dallas*, Twin Peaks* ou L’île enchantée*, on crève d’envie de voir le prochain!
    (*trade mark).

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